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  Jean Lecerf

 

Q U E S T I O N S

 pour une économie de la paix

 

Pouvons nous bâtir ensemble

une vie sociale moins conflictuelle,

 plus efficace, plus juste ?

  

Table des matières

Une économie de paix ?

Ce qui me semble possible

LES QUESTIONS SONT L’ESSENTIEL

 

Première partie COMMENT OBTENIR UNE VRAIE CROISSANCE ?

 

Chapitre I QU'EST-CE QUE LA CROISSANCE ?

 

Chapitre II QUELS SONT LES MOTEURS DE LA CROISSANCE

Qu’est ce qui favorise la croissance ? Production ? Consommation ?

Qu'est-ce qui favorise production

et consommation.

Et la productivité ?

Est-ce en manipulant la monnaie

qu’on obtient la croissance ?

 

Chapitre III DANS QUEL CADRE PEUT-ON EFFICACEMENT CHERCHER LA CROISSANCE ?

Que peut-on faire au niveau local ?

 

Chapitre IV COMMENT ANIMER LA VIE ECONOMIQUE ?

Offrir un rôle plus actif aux demandeurs d’emploi ?

Recherche et information sur l’évolution du marché du travail ?

Des concours d’initiatives ?

Des animateurs professionnels ?

Les cellules d’un corps puissant ?

Un rôle pour les économistes ?

Comment peuvent agir les animateurs ?

 

Chapitre V COMMENT PREPARER UNE RECONVERSION ? ANIMER UNE REGION ATTARDEE ?

Comment se crée et se développe l’emploi ?

Comment connaître les débouchés possibles ?

Quelques relations à retenir ?

La liberté des échanges est-elle cause de chômage ?

Reconvertir ? Difficile, mais possible ?

Des conclusions à proposer ?

 

Seconde partie L E P R O G R E S S O C I A L

 

Chapitre VI QUELS OBJECTIFS RETENIR ?

L’objectif, est-ce l’égalité ?

Supprimer ou faire payer les riches, les rentiers ?

Sus aux spéculateurs ?

Quel est le métier des riches et celui des pauvres ?

Faut-il supprimer ou encadrer les patrons ?

Respecter les droits ?

Le rôle du minimum vital ?

Le droit au logement.

Quels objectifs retenir ?

 

Chapitre VII Les moteurs du progrès social

Recherche et animation

essentielles mais négligées

La pression sociale ? Le pouvoir politique ?

Les conditions d’un dialogue efficace ?

Commencer par établir les faits

 

Chapitre VIII Comment répartir, correctement, paisiblement,

Des notes à l’usage des négociateurs

Logique de comptable contre volonté politique ?

La légitimité du profit

Quel est le rôle du capital de l’entreprise ?

L’autorité dans l’entreprise ? Jusqu’où ?

Comment négocier ?

Comment traiter les différentes hypothèses ?

 

Chapitre IX Comment traiter la pauvreté ?

Quels objectifs retenir ?

L’immigration ?

 

Chapitre X Et le Tiers-monde ?

Comment animer le développement du Tiers-monde ?

Sur le progrès social, que conclure ?

 

Troisième partie Q U ' E S T -C E Q U I P E U T C O N T R I B U E R

A UN V R A I P R O G R E S E C O N O M I Q U E ?

 

Chapitre XI Faut-il enseigner autrement l’économie ?

 

Chapitre XII Stimuler la recherche?

 

Chapitre XIII La démocratie devrait-elle être repensée ?

 

Chapitre XIV La justice pourrait-elle être plus rapide, moins coûteuse ?

Comment dissuader ceux qui ne jouent pas le jeu ?

 

Chapitre XV Quel rôle peut jouer l’information ?

 

COMMENT CONCLURE CETTE RECHERCHE ?

 

L’auteur et ses ouvrages

 

 

 

 

 

 

Laudace, l’immense ambition de cet ouvrage, cest de proposer un ensemble dapproches et un large débat, une recherche franchissant les frontières afin de promouvoir une vie économique et sociale beaucoup moins conflictuelle, plus constructive, plus conviviale et répartissant mieux les fruits du progrès, une économie de la paix.

« Vaste programme ! » eût dit un certain général.

Une vie économique et sociale vraiment moins conflictuelle, plus constructive, plus conviviale et répartissant mieux les fruits du progrès, une économie de la paix, n’est ce pas une utopie ?

Ils sont nombreux ceux qui ne le croient pas, qui pensent que ce nest quun rêve, une utopie qui naboutirait qu’à faire plus de mal que de bien.

Ce nest pas de gaîté de coeur que, de génération en génération, ceux qui nous ont préparé et construit une société contestée mais enviée ont pensé que l’affrontement était linévitable condition du progrès.

Certes, ils étaient souvent opposés les uns aux autres. Ils concevaient la lutte qui leur semblait nécessaire, inévitable, sous des formes contrastées, contre des ennemis opposés les uns aux autres mais la concurrence dure, la lutte des classes, la recherche du pouvoir pour contraindre, taxer, redistribuer ou, plus subtilement, pour manipuler l’outil de mesure, la monnaie, c’était toujours lutter, obéir à une loi de la vie.

Ils luttaient les uns contre les autres ; mais cette lutte leur semblait à tous essentielle, même si, de discorde en conflits, en violences, en rancoeurs, en haines, elles préparaient des guerres.

Il en allait de même pour ceux qui tenaient la guerre, celle quon fait ou celle quon prépare, comme une condition incontournable de la survie des peuples. A ces luttes, il fallait être prêt à tout sacrifier, même sa vie et celle des autres. Les héros étaient ceux qui tuaient le plus de gens. Impossible de faire autrement. Et de siècle en siècle, avec des armes de plus en plus ravageuses, cette évidence s’imposait. Le seul moyen d’avoir des intervalles paisibles était d’être le dominateur ou d’accepter la domination. Lhistoire le prouvait.

Oui, mais justement, lhistoire récente, la notre, a prouvé le contraire.

Alors que la plupart des penseurs et des gens dexpérience le croyaient impossible, quelques visionnaires : Monnet Schuman, Adenauer, Gaspréri, Spaak,… ont su concevoir, faire accepter, réaliser une union des peuples dEurope les plus opposés, une union qui a consolidé la paix et attiré des pays de plus en plus nombreux.

Ne peut-il en aller de même en économie ? Des idées fausses ou à revoir ne sont-elles pas parmi les causes du désarroi de tant de jeunes qui n’arrivent pas à trouver l’emploi de leur compétence, a se loger, parmi celles des endettements monstrueux qui sont une menace qu’on ne sait pas maîtriser ?

Dans la chaleureuse préface qui ouvre les trois volumes de mon « Histoire de l’unité européenne » Jean Monnet me compte parmi ceux qui ont préparé les esprits à consentir aux concessions sans lesquelles lEurope naurait pas pu naître.

Nest-il pas temps de chercher, de trouver les moyens de construire une économie paisible, où de saines concurrences, des débats constructifs, ne conduiraient plus à des affrontements dévastateurs ?

Définir une telle économie est une tâche qui dépasse mes forces.

En revanche, peut être ai je assez dexpérience pour lancer, pour amorcer un débat qui pourrait être fécond.

Peu de gens ont eu la chance de pouvoir observer au jour le jour, raconter et commenter cinquante années dune vie économique dune intensité exceptionnelle et notamment les trente premières années de la construction européenne, sous le contrôle dune multitude de lecteurs dont certains étaient très compétents, de travailler avec Raymond Aron qui ma proposé décrire mon premier livre « La percée de léconomie française » et l’a honoré dune importante postface, de Jean Monnet, le père de l’Europe ; du maître doeuvre du remarquable redressement monétaire de 1958, Jacques Rueff, de bien d’autres.. Mes livres ont été et restent très utilisés au niveau universitaire. Ils ont été parfois lecture obligatoire, en France et ailleurs.

Le débat, la recherche que ce livre voudrait ouvrir, ni mes 89 ans, ni mes yeux qui ne lisent plus ne me permettront de les organiser, de les mener, de faire la synthèse des apports, de conclure, de donner suite. De tout coeur, merci à ceux qui le feront.

Quand on recherche, quand on entrevoit des solutions utiles, il est fréquent d’affirmer d’abord ce que l’on croit. Après, pour approfondir, nuancer, dialoguer, interroger d’autres apports, vient le moment de questionner.

Permettez moi, dans ce prologue, de vous dire ce que je pense, ce que je crois savoir. Après, et ce sera l’essentiel de ce livre, ces thèmes seront repris de façon plus interrogative pour ouvrir un débat.

Mes approches, plus ou moins détaillées, pourront amorcer, nourrir la discussion, aider à poser les problèmes.

Avant de vous laisser apercevoir ce que je crois, faut-il rappeler quelques évidences ? On a parfois l’impression que certains les ont oubliés. Nous ne gagnons pas notre vie contre les autres mais avec les autres, par l’échange où tout le monde gagne. Nos intérêts à courte vue peuvent nous opposer, mais à plus long terme, nos vrais intérêts convergent presque toujours. Notre monde n’est pas la jungle mais un chantier. Quand on s’y dispute, quand on empêche les autres de travailler pour leur prendre leur emploi, on n’avance pas. On gaspille les énergies. Continuez vous mêmes…Est-t-il plus efficace de gratter les plaies des autres, de s’étriper mutuellement que de chercher à s’entraider ?

 

Ce qui me semble possible

 

La croissance, thème majeur des économistes, n’est pas, comme on semble le croire, une aubaine venue d’ on ne sait où, pas plus que le fruit d’acrobaties monétaires, du déficit budgétaire et du mépris des contraintes économiques, d’abus du crédit, pas plus que de projets gigantesques.

Les moteurs de la croissance ne sont pas ce qu’on enseigne. Ni la consommation, ni l’investissement, ni la demande extérieure ne sont, à eux seuls, moteurs de croissance.

Ces moteurs ce sont les contrats équilibrés d’échanges. Ils permettent à chacun des partenaires d’augmenter à la fois sa production et sa consommation, son niveau de vie.

Les subventions ne sont pas, comme on le prétend, une aide mais un obstacle à la croissance et à l’emploi. Elles déprécient et surchargent les activités non subventionnées. Forcement limitées, compliquées, restrictives, capricieuses, propices aux copinages, elles dissuadent d'entreprendre ceux qui n'en bénéficient pas, donc stérilisent beaucoup de projets sains.

Plutôt que les jeux macro-économiques avec la monnaie, le moyen de stimuler la croissance c'est, le plus souvent sur le plan local, la mise en valeur des idées, des projets, des atouts locaux: main d’oeuvre, équipements, savoir faire, épargnes, possibilités de formation, recherches, relations etc.

- Cette mise en valeur passe par une politique d'animation qui pose les vrais problèmes, incite à chercher ensemble des solutions, à mûrir des projets et à les mener à bien. Elle remet à leur place ceux de nos intérêts à court terme qui nous opposent et met en valeur nos intérêts à plus long terme qui sont largement convergents: les qualités du gâteau qu’on prépare, l’ambiance et l’harmonie.

- Une meilleure connaissance du fonctionnement des circuits économiques, du mécanisme des créations et des pertes d’emplois, serait féconde. Elle mettrait en valeur les complémentarités nécessaires, les conditions du progrès, les causes profondes des déclins, souvent situées assez loin de ce qu'on voit. Elle pourrait aider à progresser.

C'est particulièrement vrai quand, après des licenciements ou quand ils menacent, une reconversion s'impose.

Là où l'économie est trop loin du plein emploi, des recherches seraient nécessaires pour découvrir quelles activités pourraient employer sainement une main d'oeuvre nombreuse et peu formée, activités peu délocalisables. Elle pourrait trouver ou susciter la demande correspondante. Recherches difficiles mais nécessaires. Qui les fait?

De même, il faudrait mieux étudier les étapes du développement dans lesquelles, à chaque niveau, apparaissent des possibilités de métiers nouveaux d’entreprises nouvelles, la possibilité de former et soutenir des personnalités capables d’entreprendre durablement.

Pour les cas les plus difficiles, les reconversions notamment, des professionnels de l'animation sont nécessaires, mais il faut surtout donner aux politiques, administratifs et bénévoles concernés une formation courte, complétée par des informations régulières, des échanges, des visites. Ce pourrait être une fonction du Plan.

Dans des cas difficiles, celui de certaines banlieues par exemple, le mécanisme des échanges payés par une monnaie interne, les "systèmes d'échanges locaux", (S.E.L), pourrait être expérimenté, servir d'amorce à une renaissance de l'activité.

Le problème du développement du Tiers monde n'est pas fondamentalement différent de celui des moins bien pourvus des pays mieux équipés. Ce n'est pas par les projets spectaculaires ou en misant sur le dumping social qu'on parviendra à un large développement mais en aidant les gens du pays, par une politique d'animation, à travailler d'abord de mieux en mieux les uns pour les autres

 

Il n’y a pas d’opposition entre l’économique et le social. On vit et on progresse mieux, à tous les niveaux, dans une société harmonieuse et équilibrée que dans celle qui impose à des multitudes des conditions inacceptables, sources de tensions et de conflits. Il faut tendre vers l’harmonie même s’il est difficile de la réaliser.

Le but de la politique sociale n'est pas l'élimination ou la taxation excessive des riches, des spéculateurs. Ils jouent dans le progrès commun un rôle essentiel: financer l’équipement qui crée l’emploi, prêter à ceux qui veulent entreprendre, donner, prendre les risques nécessaires, essayer les progrès incertains. L’argent a la valeur de ce qu’on en fait. L’animation met en valeur les usages constructifs de l’argent.

Le but n'est pas non plus l'égalité, incompatible durablement avec la liberté. Ce n’est pas i le respect de toutes sortes de droits. C'est une répartition aussi saine que possible des fruits du progrès.

Faut-il donner priorité absolue à l’élimination des misères les plus criantes, celles qui serrent le cœur et dont parlent les journaux ?

Il faut se garder d’aider les pauvres a détriment d’autres pauvres.

Ne pas non plus surcharger d’impôts et de règlements bien intentionnés ceux qui essaient servir des clients peu fortunés. S’ils y renoncent, ceux ci, faute de concurrence, devront payer plus cher ce dont ils ont besoin.

Nous avons retenu comme but de la politique sociale, l’amélioration progressive du revenu moyen du tiers le moins favorisé de la population.

Pour y contribuer, Il serait utile de négocier, entre partenaires sociaux, un manuel des négociateurs. Ili écarterait les faux problèmes, sources de conflits sans issue. Il situerait les thèmes et les conditions d'un dialogue social efficace sur les vrais problèmes: améliorer le revenu des travailleurs après avoir assuré ce qui en conditionne le maintien, c'est à dire la solidité des entreprises: capital et équipement, risques encourus donc nécessité d'une réserve, compétences coûteuses à acquérir, à conserver, recherche pour rester dans la course.

Pas d’ »emplois sans accord avec les employeurs. Pas d’ »emplois efficaces sans accord avec les employés.

.- Une négociation est nécessaire sur la manière dont chacun aura sa part des gains, mais aussi pour préciser qui financera les pertes.

Elle doit se situer non pas après ou pendant l'exercice, mais avant, au moment où les gains espérés ont pour contrepartie les pertes à redouter, les risques à assumer, au moment où chacun peut encore, si ce qu’on lui propose le rebute, chercher un autre emploi de son talent et de son argent. C’est avant la partie qu’on se met d’accord sur la règle et sur les enjeux.

Cette répartition sera arrêtée par l'autorité responsable mais elle doit être précédée par un vrai dialogue.

Selon les résultats obtenus pendant l’exercice, il faudra que tout le monde gagne, manque à gagner ou perde à la mesure de son apport, des risques encourus, des accords librement négociés.

L’horreur de la précarité a soulevé des foules. Or, tout contrat est précaire. Il exige l’accord du partenaire. Le droit d’obtenir ce qu’on veut sans se mettre d’accord avec celui à qui on le demande n’existe pas.

L’employé qui n’est pas ou plus d’accord avec son patron peut le quitter. Le patron qui ne parvient pas ou plus à s’entendre avec celui qu‘il emploie doit pouvoir cesser de l’employer sans surcharges excessives.

En cas de conflit, un parrain pourrait être chargé d’aider à la recherche d’un accord. En cas d échec, celui-ci essayerait de faire profiter un autre de l’emploi libéré tandis que le licencié se verrait offrir une aide et, au besoin, une formation pour trouver un autre emploi.

Au patron qui licencierait trop, offrir un diagnostic social, mais l’emploi obligatoire n’est pas une bonne solution

La grande pauvreté qui enchevêtre d’ordinaire plusieurs causes de malheur, ne relève pas, sauf exception, de mesures générales. Celles ci risquent alors de faire plus de mal que de bien, d’avoir des effets pervers. Il faut alors traiter au cas par cas.

Autant que possible, aider ceux qui s'efforcent d'en sortir avant ceux dont l'objectif semble de prouver qu'ils ne peuvent rien faire.

Appuyer, faciliter les efforts de ceux qui prennent le temps et ont le talent d’aider les plus pauvres, de plaider pour eux, d’élaborer avec eux des solutions.

Ne pas aider ceux qui agitent, se posent en victimes si c’est au détriment de ceux qui travaillent.

Eviter de protéger ceux qui sont en place, ceux qui ont un emploi, un logement modestes au détriment de ceux qui en voudraient bien un, même modeste.

Eviter donc de dissuader ceux qui pourraient le leur procurer, les employeurs et ceux qui aimeraient préparer leur retraite en louant des logements.

Les contrats obligatoirement désavantageux pour l‘une des parties sont demandés par l’autre mais pas offerts.

Le logement social pourrait, devrait redevenir un placement de père de famille, peu rentable mais sûr, ce qui dégagerait le financement nécessaire. L’animation y aiderait.

Si tant de gens dorment dans la rue ou ne parviennent pas à se loger, c’est très largement parce que, pour aider les pauvres locataires, on a bloqué les loyers, rendu impossibles les placements sains en logements.𨠥

On a voulu charger l’Etat de loger les plus démunis, de les loger décemment. Bravo, mais cela coûte cher. Les HLM donnent donc priorité aux locataires solvables des fonctionnaires par exemple,

Résultat : les files d’attente s’allongent et les exclus des HLM, ce sont les SDF dont le nombre ne diminue pas longtemps quand le nombre des logements soc aux progresse.

Existe-t-il une recherche intense des moyens et débouchés qui permettraient d’intégrer sainement dans la vie économique les chômeurs et les capacités mal employées ? Forme-t-on assez d’entrepreneurs capables de les employer utilement ?

Ne pourrait-on étudier des contrats simples, sains, faciles à gérer, qui offriraient à ceux qui ne trouvent pas de travail en ville ou à ceux qui voudraient immigrer la charge d’animer les villages qui se dépeuplent? Beaucoup de jeunes et d'immigrés sont gens de valeur, courageux, pleins d’initiative.

 

L'économie n'est pas isolée. Tout un ensemble d'éléments réagissent sur elle.

Et d'abord, la façon dont elle est enseignée.

Toutes les théories sont basées sur l'affrontement; concurrence dure, lutte des classes, prise de pouvoir pour contraindre, taxer, redistribuer, ou jouer avec l'outil de mesure, la monnaie. Or, répétons le, sur un chantier où l'on se dispute, on n'avance pas. Nous gaspillons une grande part de notre énergie, de nos ressources à détruire ce que les autres produisent et réciproquement. Comme les jeux, la concurrence est saine quand on se mesure aux autres selon des règles acceptées, respectées. Sous l’arbitrage de clients qui veulent de vrais services.

La concurrence brutale ? Non. La concurrence loyale ? Oui.

Un débat de fond s'impose.

La démocratie ne pourrait-elle pas être améliorée, par exemple en offrant aux électeurs des informations objectives sur la carrière, les réalisations et le programme des candidats?

- La justice civile ne pourrait elle pas, pour assurer la sécurité juridique nécessaire aux entreprises, être moins scrupuleuse sur les formes et possibilités d'appel, afin de devenir plus rapide et moins coûteuse?

Est-il permis de penser que l'absence de morale et les dérives de certaines formes d’ « art » peuvent compter parmi les causes de beaucoup de misères? Est ce en prison qu'il faut apprendre à vivre en société?

Ceux qui démolissent, ridiculisent, violent et incitent à violer les lois, écrites ou non, qui permettent de vivre en harmonie se croient et semblent malins, libérés, d’avant-garde. En fin de compte, ceux qui les ont suivis se retrouvent bien souvent désorientés, désespérés, seuls, miséreux, malheureux. Alors… ?

Mériter, cultiver la confiance, c'est pouvoir être efficace et libre.

L’information pourrait largement contribuer au progrès tant économique que social. Elle devrait donner moins de place aux luttes de pouvoir et aux caprices des marchés, et davantage à l’évolution des techniques et des débouchés, des actions constructives et des expériences de développement qui peuvent en inspirer d’autres.

L’information sociale devrait donner moins de place aux agitations, grèves, nuisances, rapports de force, violences, et davantage au contenu des accords constructifs et au résultat des négociations

 

En toutes sortes de domaines, des idées fausses devraient être déracinées et de plus saines, cherchées ou retrouvées. En reconnaître la valeur, les expérimenter, utiliser.

Mais qui est prêt à les accueillir, à les conjuguer avec ce qu’il sait, à les soutenir, à les diffuser, à les enseigner ?

 

Tout cela, c est vite dit, trop vite, sans les nuances et approfondissements nécessaires.

Il faut voir ce qui pose question et ce que valent ces esquisses de réponses. Votre pensée et votre expérience, j’en suis sûr, accompagneront enrichiront cet essai. D’avance, merci

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Nous sommes de ceux

qui posent les questions

jusqu’au bout »

Antigone (Jean Anhouil)

 

 

 

 

LES QUESTIONS SONT L’ESSENTIEL

 

 

Ce qui compte, dans cet ouvrage, ce sont les questions qu’il pose, qu’il vous pose.

Les réponses qu‘il propose longuement, ne les accueillez, je vous prie, que sous bénéfice d’inventaire, ou plutôt, sous bénéfice d’un débat. Il pourrait être passionné, passionnant.

Ces réponses sont à la fois trop sommaires et trop ambitieuses.

Trop sommaires : en quelques pages, on peut esquisser des perspectives. Comme celles des dessinateurs, elles peuvent conduire très loin, mais on ne peut traiter ainsi à fond des questions aussi vastes que celles qui seront posées.

Trop ambitieuses : elles voudraient, ces réponses, vous faire croire que l’économie, partout, pourrait être à la fois plus efficace, plus constructive, plus juste et plus conviviale. Ce n’est pas sérieux, cela se saurait, alors que nul n’ignore qu’on ne gagne sa vie qu’en luttant contre les autres par la concurrence ou par la lutte des classes… ou bien en obtenant des subventions. C’est une loi de la jungle, qui est celle de la vie. On le sait depuis Darwin, n’est-ce pas ?

Et ces réponses prétendraient mettre en question cette évidence ? C’est trop d’audace !

Elle voudraient vous faire croire, ces réponses, que, sur un chantier ou pour accomplir une tâche, on avance mieux et l’on gagne davantage quand on se répartit les tâches, quand on coopère, quand on s’entend que quand on se dispute. Ce n’est pas vrai. Pour avancer, il faut être en concurrence les uns avec les autres. On progresse plus quand les classes sociales s’agressent à coups de grèves et de pouvoir de nuire.

Prétendre qu’on pourrait faire l’économie de beaucoup de conflits, d’affrontements, c’est faire injure aux maîtres de l’économie. Ils nous ont appris que la clé du progrès, c’est, pour les uns, la concurrence, pour les autres, la lutte des classes et si possible la révolution, pour d’autres encore, la redistribution qui, par l’impôt et la contrainte, donne aux uns ce qu’elle prend aux autres. Pour d’autres. On ne peut avancer qu’en trichant, en abusant de ce qui a remplacé la vieille planche à billets, en lançant des emprunts qu’on ne remboursera jamais.

Les réponses, les approches esquissées dans cet ouvrage, voudraient vous laisser entrevoir une économie où les forces et les talents des uns et des autres convergeraient, où les fruits du progrès seraient nettement mieux répartis. Coms que je poserai devraient pouvoir animer le débat que je propose et offrir des sujets d’exposés, de mémoires, de thèses contribuant à une authentiques recherches.

Ces réponses trop hardies pourraient-elles servir de jalons de recherche, introduire un débat, peut-être même en élever le niveau ? A vous de voir, de leur accorder, peut être, une sympathie prudente.

J’ai d’autant plus besoin de votre sympathie que sans attendre que j’aie pu achever cet essai, à 86 ans, mes yeux ont cessé de lire. Je l’ai terminé tant bien que mal, sans pouvoir éviter un certain désordre et des redites sur des thèmes qui me tiennent à cœur.

Impossible, une économie plus constructive, plus conviviale, plus sympathique ? Evaluez vous-mêmes le service que rendrait une économie beaucoup moins conflictuelle à tous ceux qui, pour gagner leur vie, doivent se battre contre les autres, affronter l’hostilité des concurrents. Evaluez le service qu’elle rendrait à la paix puisque la plupart des conflits opposent des intérêts économique même si, pour motiver les combattants, on les revêt de motifs patriotiques, ethniques ou religieux ?

Vraiment ? Ne faudrait-il pas en avoir le cœur net ? nous demander comment progresser vers le mieux-être ? Comment mieux répartir les fruits des efforts communs ? Dans quel cadre pourrait se développer cette autre manière de vivre ?

Mais avant tout, que valent-elles, ces questions, puisqu’elles sont l’essentiel de cet ouvrage ?

Pour les questions, puis je vous demander de me créditer d’une expérience ? J’en ai posées de vive voix à De Gaulle, Pompidou, Giscard d’Estaing, Mitterrand, Chirac, Schuman, Monnet, Hallstein, Schmidt, Colombo, Heath, à une multitude de ministres, commissaires, experts et responsables de haut niveau. Leurs réponses ont nourri des milliers d’articles et mes livres. Vos réponses seront précieuses. Voici celles que je me pose, que je vous pose, avec des approches de réponses qui amorceront le débat.

 

Les buts d’une politique économique

 

Quels doivent être les objectifs de la politique, de la vie économique, si ce n’est pas de faciliter la réélection de l’équipe au pouvoir compte tenu de promesses électorales trop souvent démagogiques ? Est-ce vaincre ou progresser ensemble ?

J’essaie de répondre pour introduire le débat.

Le but, réalisable, d’une politique économique ? Si nos politiques le savaient, quel progrès, quel soulagement ce serait ! Et si les économistes se mettaient d’accord - sinon tous, ce serait trop demander, mais la plupart - sur les objectifs à atteindre, peut-être auraient-ils moins de mal à se faire prendre au sérieux, à faire publier et lire leurs ouvrages, à convaincre ceux qui peuvent agir.

Les luttes, les querelles, les oppositions, les coups bas, les agressivités de toutes sortes, la volonté de vaincre les autres, les compétitions haineuses, les efforts pour déprécier les concurrents, n’ont-ils pas bien trop de place dans notre vie, tant économique que politique ? A regarder les informations, on a souvent l’impression que rien n’est plus intéressant.

Les économistes qui comptent, ce sont ceux qui insistent sur ce qui nous oppose les uns aux autres : les libéraux quand ils prêchent la concurrence sans en rechercher les limites et qui s’indignent contre tout ce qui la gène, les marxistes qui pensent que la lutte des classes est la seule voie vers le progrès, les dirigistes qui veulent le pouvoir afin de contraindre les autres, par des lois ou en manipulant la monnaie.

Ce qui construit, ce qui fait progresser, ne sont-ce pas les accords, les contrats, les convergences d’efforts, ce qui unit ? N’est-ce pas le but d’une vraie politique ? Le but n’est-il pas de progresser ensemble plutôt que de vaincre les autres ?

Belles paroles peut-être, mais sont-elles réalistes ? Un idéal placé trop haut ou mal orienté n’est-il pas souvent dangereux, néfaste ?

Posons-nous quelques questions. Une politique constructive, conviviale est-elle vraiment possible ?

Est-elle vraiment impossible ?

Est-elle incompatible avec la croissance ou la favoriserait-elle ?

Peut-elle permettre de progresser vers un meilleur équilibre social ou n’aboutit-elle qu’à cristalliser les inégalités actuelles ? Dans le premier cas, quels seraient les objectifs ?

Nous avons tous des intérêts à court terme. Ils nous opposent aux autres quand nous tentons d’avoir une meilleure part du gâteau qui est sur la table. Nous avons aussi, et surtout, des intérêts à moyen et long terme qui sont largement convergents : se répartir les tâches pour que le prochain gâteau soit plus large et mieux réparti.

Le problème, c’est de mettre en valeur ces intérêts communs, d’inciter les uns et les autres à y travailler de concert. Et cela, c’est un problème d’animation, un problème d’animateurs.

Oh là là ! Où conduisent ces objectifs ? Il faut s’en rendre compte. Un tel paquet, n’est ce pas trop…? Bousculer ainsi tout un troupeau de vaches sacrées ? Oser chahuter … les idées que nous devons aux maîtres que nous vénérons ?

D’accord. Ils se contredisent largement, nos maîtres, mais ils sont d’accord sur un point : pour progresser, il nous faut lutter contre les autres. Ils ne sont d’accord ni pour dire qui sont ces autres contre lesquels il faut lutter, ni sur les méthodes de lutte, mais ce ne sont que des détails. L’essentiel ? C’est toujours de luttes qu’il s’agit. « Lutter par la concurrence » disent les libéraux. « Lutter contre les classes riches », disent les marxistes. « Il faut leur arracher le pouvoir politique puis, par l’impôt, les subventions et allocations, la contrainte, prélever sur les riches ce dont ont besoin les pauvres » disent les socialistes, et avec eux les dirigistes, les interventionnistes de toutes sortes. « Et s’il faut pour cela une révolution - elle peut être sanglante - tant pis, ou tant mieux », n’osent pas dire les communistes.

Le but d’une politique économique, si ce n’est pas la conquête ou la conservation du pouvoir, quel est-il ? Obtenir une croissance à la fois meilleure et mieux répartie ? Faire que chacun, avec un effort raisonnable pour travailler et adapter son travail aux besoins des autres, puisse vivre aussi correctement que possible et progresser vers une vie préférable ?

Si tel est le but, comment y parvenir ? Est-ce par la contrainte imposée par une majorité généralement courte à tous les autres ? Est-il impossible de faire converger les efforts ?

Dans la mesure où il est nécessaire de contraindre ceux qui refusent les véritables exigences de la vie sociale, quelles sont les limites et les modalités de cette contrainte ?

Il est des services qui ne peuvent vraiment être assurés que par les pouvoirs publics et financés par l’impôt. Quels sont-ils et dans quelles limites ?

Une très large part de la production de biens nécessaires et de l’emploi qui fait vivre résulte des initiatives privées de ceux qui prennent le risque de constituer ou d’emprunter un capital. Ils font vivre des entreprises dont ils assument la responsabilité en profits et pertes. Comment leur faciliter la tâche ?

Comment orienter vers des possibilités de progrès dont tous puissent bénéficier des décisions prises librement par ceux qui agissent, qui assument des responsabilités et les risques qui en sont inséparables ?

Comment faire prendre en compte, librement mais aussi largement que possible, ceux de nos intérêts qui, au lieu de nous opposer, nous sont communs ? Ne serait-ce pas un problème d’animation ?

Ce serait peut être beau de travailler dans une atmosphère constructive, conviviale. Ce serait beau comme les rêves des utopistes, mais c’est impossible.

Difficile, certes. Impossible ? Qu’en pensez-vous ? Réfléchissons-y ensemble.

 

 

 

 

 

Première partie

 

COMMENT OBTENIR UNE VRAIE CROISSANCE ?

 

 

La croissance, on l’invoque souvent ; elle est bienheureuse, lointaine, capricieuse.

Peut-on la définir ? Quels en sont les moteurs et les freins ? Dans quels cadres peut-on la stimuler ? Comment agir ? Que peut apporter une politique d’animation ? Poser ces questions, proposer des réponses afin d’amorcer le débat, sera l’objet de cette première partie.

Après, rappelons-le, nous chercherons, dans la seconde, comment mieux répartir les biens produits, puis, dans une troisième partie, nous nous interrogerons sur ce qui, au-delà de la production et de la répartition, pourrait contribuer au progrès du bien-être.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Chapitre 1

 

QU'EST-CE QUE LA CROISSANCE ?

L’AUGMENTATION DU P.I.B. OU QUOI ?

 

On définit rarement la croissance. On la mesure… ou l’on croit la mesurer… par l’augmentation du P.I.B., du produit intérieur brut, qu’on détaille en PIB par habitant.

Pourquoi se priver de plaisanter sur les aléas que comporte toute statistique ? « Si l’épouse ma bonne, je diminue le PIB » remarquait un professeur. Est-il sérieux, J.K. Galbraith, quand il écrit, dans « L’ère de l’opulence » : « Toute augmentation de la production n’est pas bonne. Plus de cigarettes causent plus de cancers ; plus d’alcool, plus de cirrhoses ; plus d’automobiles, plus d’accidents, d’infirmes, de morts, de gâchis pour l’environnement et la pollution… Ce qu’on appelle habituellement un niveau de vie élevé consiste à s’éviter toute dépense d’énergie musculaire, à accroître les plaisirs des sens et à engloutir trop de calories. J’aspire pour l’homme à de choix différents».

Il avait raison. Comment distinguer les vrais biens de ceux qui ne le sont pas. Entre les cas évidents, il y a large place à l’arbitraire. Il faut malgré tout essayer, fut-ce par des évaluations imparfaites de distinguer les véritables biens de ce qui est plus nuisible qu’utile.

Certaines productions qui dévastent l’environnement, gaspillent les ressources naturelles, qui ruinent les santés ou la vie sociale, sont de ce type. Certains ont prétendu que c’était le cas d’une part non négligeable du remarquable essor chinois au début de ce millénaire.

Mais surtout, le PIB comprend une large part de productions qui n’apportent pas vraiment du mieux-être. Ce sont toutes les productions excédentaires qui n’intéressent pas les acheteurs au prix où l’on veut les vendre, ou qui n’intéressent que des acheteurs qui n’ont pas les moyens de les acheter, ou encore qui ne sont achetées qu’avec des fonds prélevés par contrainte, qui ne seraient pas utilisées si elles n’étaient payées sur fonds publics. Les productions artificiellement maintenues et financées sont importantes, et pas seulement en agriculture.

Ces distinctions sont souvent difficiles à cerner, à chiffrer. Même s’il faut, à regret, se contenter d’évaluations, celles-ci ne sont pas stériles. Les discussions qu’elles provoqueraient ne mettraient-elles pas en évidence de vrais problèmes ?

La vie économique, consiste à travailler les uns pour les autres, pour ce dont les autres ressentent le besoin et pour lequel ils sont prêts à payer un prix. Chacun y reçoit l’équivalent de ce qu’il apporte en échange.

La croissance, c’est le surcroît de production échangé contre d’autres surcroîts de production.

Cette formule simple recouvre des réalités qui ne le sont pas.

Surcroîts de production ? Le pluriel est important. Si un seul agent économique accroît sa production de biens, il ne pourra pas l’échanger contre des surcroîts équivalents. Elle alimentera des stocks non désirés, donc incitera à réduire sa production, donc à faire chômer ouvriers et machines. Ou bien elle sera échangée contre d’autres biens qui ne sont pas des surcroîts de production, mais alors, elle prendra, dans l’échange, la place des biens qu’elle concurrence. Les stocks excessifs, le chômage se déplaceront mais il n’y aura pas croissance.

Autre thème essentiel : l’échange. Directement ou à travers des circuits qui peuvent être très complexes, pour qu’il y ait croissance durable, il faut que les surcroîts de production s’échangent les uns contre les autres, que des surcroîts consommés soient non seulement équivalents, mais identiques aux surcroîts produits.

Pour qu’il y ait croissance, il faut qu’on consomme plus abondamment ce qui est produit plus abondamment.

Mais pour qu’il y ait échange, il faut que chacun apporte l’équivalent de ce qu’il utilise, même si, dans le cas limite du don ou du contrat de bienveillance, celui qui donne se contente comme contrepartie de la reconnaissance espérée du bénéficiaire ou de la paix de sa propre conscience.

Quand la valeur estimée de l’apport de l’un est inférieure à celle de l’apport de l’autre, l’échange se limitera au niveau le plus bas, le reste allant au stock…

Tout accroissement de la production est-il croissance ? Non. Il peut déboucher sur des équilibres imparfaits. En témoignent le chômage, les stockages non désirés, les rebuts, les crises.

Et c’est sur ces déséquilibres qu’il est possible d’agir, notamment, nous le verrons, par l’animation.

Tout en sachant qu’elle recouvre des réalités complexes, retenons la formule simple : la croissance, c’est l’échange de surcroîts de production.

La production utilisée, c’est l’ensemble des biens produits et échangés dans des conditions acceptables.

L’augmentation du produit intérieur brut (P.I.B.) sert généralement à évaluer la croissance. A tort ou à raison ?

Il est difficile de savoir dans quelle mesure cette statistique inclut des productions non utilisées ou les compte pour leur prix de vente alors qu’elles sont fortement subventionnées. Quand on produit ce qui n’intéresse pas les clients, que ce soit pour maintenir l’emploi, pour amortir des machines, pour attendre des jours meilleurs ou pour toute autre raison, on ne contribue pas à la croissance.

Définir, mesurer la croissance est utile, mais le vrai problème c’est : comment susciter la croissance que nous désirons, les emplois dont nous avons tant besoin.

Comment se créent vraiment les biens et les emplois ? Est-ce en aidant, par des subventions, les uns au détriment des autres, des concurrents pénalisés et des contribuables, mais en suscitant de vrais surcroîts de biens ? Qu’est-ce qui les détruit ? Qu’est-ce qui gène leur création ?

La croissance, tout le monde la veut, tout le monde l’attend, mais qui sait diriger durablement la conjoncture ? Et comment le faire ? S’affronter, pousser très loin la concurrence ? Revendiquer ? User de son pouvoir de nuire ? Chercher à conquérir le pouvoir de contraindre, de redistribuer ? Tricher avec la monnaie ? Ou quoi ?

Ces questions, nous les détaillerons, nous les préciserons au cours de cet ouvrage. Nous esquisserons des réponses qui pourraient introduire un débat. Comment distinguer ce qui crée vraiment de l’emploi de ce qui ne fait que le déplacer ? Quel est le mécanisme qui commande la croissance et la création d’emplois ? Questions importantes. Avez-vous des réponses ?

Pour ma part, je n’en ai pas trouvée de disponible. Curieusement, nos maîtres ne semblent pas avoir été intéressés par ces questions capitales. Les libéraux déconseillaient de s’en mêler. Marxistes et dirigistes pensaient que l’essentiel était d’avoir le pouvoir de contraindre, de gérer les deniers publics. Croissance et crises se sont déroulées un peu au hasard, sans qu’on puisse préciser comment.

Puis-je vous proposer une approche ? Solliciter votre attention ?

Si cette explication se révélait à la fois neuve et pertinente, elle pourrait être importante.

Si elle est moins neuve que je ne le crois, ce sera pour vous l’occasion de rappeler une proposition injustement oubliée ou négligée.

Si elle n’est pas pertinente, montrer pourquoi elle ne l’est pas pourra être l’occasion d’approfondir une question cruciale.

Et si, d’aventure, elle était reconnue neuve et pertinente, n’éclairerait-elle pas d’un jour nouveau, constructif, convivial, des problèmes aussi vitaux que le chômage, les relations entre riches et pauvres et le développement du tiers monde ?

 

 

Peut-on susciter la croissance au lieu de l’attendre comme un don venu d’on ne sait où ? Comment la stimuler ?

Quelle est donc la différence entre ce qui crée de l’emploi et du mieux-être et ce qui ne fait que le déplacer ?

Tout ce qui fait appel au pouvoir d’achat existant qui serait employé autrement ne fait que le déplacer. C’est le cas des gains de concurrence. C’est presque toujours le cas des subventions.

Pour comprendre le mécanisme de base, supposons un marché paysan, primitif, ou l’on ne connaît que le troc. Supposons que ce marché est équilibré, c’est-à-dire que chaque producteur trouve à échanger ce qu’il a apporté dans des conditions satisfaisantes ou acceptables, où la production et l’achat pour la consommation coïncident.

Si un seul paysan augmente sa production offerte, ou bien il ne la vendra pas, ou ce sera au détriment d’un autre. L’un ou l’autre ne pourra pas vendre ce qu’il a apporté dans des conditions acceptables. Il stockera ou vendra à perte, donc travaillera moins la prochaine fois. C’est le mécanisme qui mène au chômage.

Le surcroît de production d’un seul débouche sur la mévente, sur le chômage.

Et si plusieurs augmentent leur production, à quelles conditions y aura-t-il croissance de l’emploi, du pouvoir d’achat ?

A condition que ces surcroîts s’échangent entre eux. Sinon, il y aura des méventes, déséquilibre du marché, chômage.

Un marché équilibré, c’est une sorte d’équation. Les biens offerts y sont, non seulement égaux, mais identiques à ceux qui sont utilisés.

Peu importe qui est le producteur et le consommateur, mais les mêmes biens doivent être produits et utilisés.

Le lien entre producteurs et consommateurs, c’est le contrat ou un ensemble de contrats complémentaires les uns des autres.

L’utilisateur doit offrir un pouvoir d’achat de valeur comparable à celle des biens qu’il achète.

Pour cela, il doit avoir produit cet équivalent et l’avoir échangé.

En fin de compte, pour que le marché reste équilibré, il faut que, d’une manière ou d’une autre, les surcroîts de production s’échangent les uns contre les autres. Sinon, les biens proposés ne seront pas échangés ou le seront au détriment des autres, et nous retrouvons le mécanisme qui conduit au chômage.

Nos économies modernes sont infiniment plus complexes qu’un marché paysan, avec le jeu de toutes sortes de réserves, de redistributions, de délais, en argent ou en biens, mais le mécanisme de base est le même. Ce qui donne du travail et accroît le bien-être, c’est l’échange de surcroîts de biens entre agents économiques qui produisent l’équivalent de ce qu’ils utilisent.

Les biens produits et non utilisés, qu’ils soient dédaignés ou ne trouvent pas d’acquéreurs ayant produit des biens de valeur équivalente, forment des stocks indésirables et conduisent au chômage.

Il est très difficile, dans nos économies, de distinguer clairement ce qui est substitution d’emplois de ce qui procure une véritable croissance. Des recherches devaient permettre de progresser.

Revenons à notre marché primitif. Lorsqu’il est déséquilibré, lorsque un ou plusieurs producteurs repartent sans avoir échangé, de façon satisfaisante, ce qu’ils apportaient, ils vont chômer ou se reconvertir. Si un autre producteur apporte alors un surcroît de production échangeable contre ce qui était en excédent, l’équilibre se rétablie et donne du travail tant à l’un qu’aux autres.

Rééquilibrer les marchés, c’est créer de vrais emplois. Et c’est vrai pour une économie complexe comme pour une économie simple. Cela suppose qu’on trouve une contrepartie acceptée à ce qui était offert en excédent.

En début de marché se réalisent les échanges les plus faciles. Puis viennent ceux qui exigent des adaptations, une négociation, la baisse de certaines prétentions. Quand le marché s’achève, il est rare que tout ait pu être échangé dans des conditions satisfaisantes, surtout si la concurrence est âpre, si la méfiance règne.

C’est plus difficile encore si cette méfiance est cultivée. C’est nettement plus facile au contraire si l’ambiance est bonne, la discussion et les accords faciles, si quelqu’un comprend les difficultés et peut inciter les uns à modifier leur activité, à produire moins de beurre et plus de fromage, ou à apprendre à faire un toit par exemple, s’il peut inciter les autres à accepter la contrepartie offerte, à trouver un accord.

Un circuit économique, c’est l’ensemble des échanges habituels qui permettent à chaque producteur qui a dépensé son gain de retrouver son pouvoir d’achat pour que le jeu continue. Ils peuvent être très complexes.

Un circuit économique, c’est un ensemble d’agents économiques, personnes, familles, entreprises, institutions, qui produisent ce que les autres consomment et consomment ce que les autres produisent et qui, pour le reste, au jeu des réserves près, équilibrent leurs achats et leurs ventes à l’extérieur.

Un circuit fonctionne bien quand ses membres peuvent produire, échanger et voir utilisé ce qu’ils sont en mesure de produire et quand le pouvoir d’achat y circule sans se réduire.

Il fonctionne mal quand ses membres ne parviennent pas à écouler leur production ou à trouver l’emploi de leurs capacités et chôment, quand les achats à l’extérieur dépassent durablement les ventes, quand le pouvoir d’achat qui y circule s’amenuise.

Quand il y a des stockages non désirés qui dissuadent de continuer à produire autant ou quand il y a du chômage durable, quand les entreprises n’y trouvent pas remède, il a place pour un travail d’animation.

Il s’agit de situer le problème, d’inciter ceux qui peuvent agir à se poser les bonnes questions et à chercher des réponses. Il faudra probablement trouver l’endroit où il faudrait choisir une autre activité ou infléchir celle qui existe, mieux adapter l’offre à la demande, faire évoluer la formation. Les possibilités sont multiples.

L’une des meilleures illustrations d’un circuit économique est le système d’échanges locaux, S.E.L. Parti d’un village perdu de l’Ariège, il a connu son heure de succès et reste vivant dans certains lieux.

Les membres du groupe se vendent les uns aux autres des produits ou des services qui sont payés en une monnaie interne. Elle ne peut servir qu’à payer un autre membre du groupe. Tous sont ainsi incités à produire ce que les autres utilisent, à utiliser ce que les autres produisent. Donc pas de perte de pouvoir d’achat et un fort potentiel de développement des échanges, de spécialisations. Elles peuvent générer des entreprises.

Le fisc se défie de ces échanges qui lui échappent, mais le remède existe : quand ces activités commencent à prendre une dimension professionnelle, admettre qu’ils doivent être déclarés pour une valeur estimée par le déclarant, mais que l’administration peut contester pour amener progressivement celui-ci à acquitter des impôts normaux.

Mais pour que le SEL soit un véritable outil de développement, il faut renoncer à y voir une débrouillardise défiscalisée, complément du R.M.I. Il faut que ce soit un mécanisme utilisé pour préparer de vraies activités, de vraies entreprises.

On voit ici poindre le rôle que peuvent jouer des animateurs.

Dans nos économies modernes, complexes mais très riches de possibilités d’accords, d’adaptations, de compromis, le besoin d’une animation compétente n’en est que plus grand.

Quand se produisent des phénomènes de déséquilibre, chômage, stockage, insolvabilité, menaces sur la vie des entreprises, conflits remettant en cause les accords en cours ou empêchant d’aboutir à ceux qui permettraient des progrès, il y a du travail pour de bons animateurs.

Ils pourraient remonter aux sources du problème jusqu’à ce qu’on trouve ce que pourrait être un accord acceptable de part et d’autre. Il permettrait de repartir vers le progrès.

Il s’agira très souvent d’un problème soit de débouchés, soit d’investissements et d’embauches excessifs, mal calculés ou décevants pour une raison quelconque.

Dans ce cas, les libéraux préconisent la concurrence, la baisse des prix au profit de l’acheteur jusqu’à ce que les plus chers disparaissent ou fassent autre chose.

Cela débouche bien trop souvent sur le chômage et la récession. Les producteurs préfèrent parfois s’entendre pour limiter leur production et maintenir des prix qui peuvent être abusifs pour l’acheteur.

Une bonne animation cherchera à promouvoir une entente constructive, de spécialisation ou de reconversion partielle, des entreprises, des travailleurs, de recherche de nouveaux produits plus demandés.

Il s’agira souvent d’une insuffisance du pouvoir d’achat des utilisateurs potentiels. Le problème sera de leur permettre de mieux gagner leur vie. Comment ? Créations d’entreprises ? Investissement ? Formation ? Recherche notamment de débouchés accessibles…

Il faudra souvent remonter plusieurs échelons pour trouver une cause du marasme sur laquelle il soit possible d’agir. Ce serait souvent possible en utilisant les compétences, en organisant la recherche, l’accueil et le soutien des idées constructives.

Quand un problème est bien posé, quand on sait ne pas camper sur les avantages acquis et les solutions du passé, quand on est prêt à évoluer, à se former, à prendre des risques bien étudiés, beaucoup de questions peuvent être résolues.

Essentiel : les véritables créations d’emplois ne viennent pas de luttes, mais d’accords. Il est souvent possible de susciter.

Alors qu’on insiste tant qu’on peut sur les divergences, les oppositions d’intérêts, cette approche montre qu’on ne progresse vraiment que quand d’autres progressent avec nous.

On s’est gaussé des accords de troc que l’Allemagne nazie, appauvrie par la crise et un effort d’armement démentiel, passait avec différents pays. Cela semblait le comble de la régression. Vraiment ? Le Dr Schacht, le financier, était remarquable. L’idée que le progrès passait souvent par des accords équilibrés était une idée saine, même si elle hérisse les libéraux orthodoxes.

« Je fais vivre ceux qui me font vivre » disait ma grand-mère. Elle n’avait pas tort. Des accords de réciprocité peuvent certes, empêcher d’acheter les meilleurs produits au meilleur prix, mais, si avantageux que soient ces prix, il faut pouvoir les payer, donc gagner sa vie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 2

 

QUELS SONT LES MOTEURS DE LA CROISSANCE

 

ET SES FREINS ?

 

 

Pour répondre à cette question, il faudra passer en revue ce qui contribue à la croissance et ce qui la freine, Nous nous demanderons s’il s’agit de facteurs qui dépendent de notre comportement ou de celui des autres, de l’extérieur.

Dans le discours ambiant, la croissance ou la récession sont des données externes qu’on subit, dont il faut s’accommoder. Les gouvernements qui ont la malchance de devoir affronter une crise comme les matelots subissent une tempête qu’ils n’ont pu éviter, doivent naviguer au mieux. C’est le seul moyen d’éviter trop de dégâts, trop de chômage, trop d’endettement.

En revanche, ceux qui ont la chance de bénéficier d’une bienheureuse croissance devraient…devraient…Au lieu de dépenser cette cagnotte providentielle pour satisfaire leurs électeurs et essayer de garder le pouvoir, ils devraient rembourser une part de la dette, abaisser les impôts et s’efforcer de laisser aux suivants un héritage aussi bon que possible…

Evitons de poser le problème en termes de débats politiques. Les causes de la conjoncture sont diffuses. Les mérites ou responsabilités des gouvernements en place, de ceux qui les ont précédés et des autres acteurs de la vie économique, même s’ils sont réels, sont fort difficiles à délimiter. En revanche, il est possible de s’interroger sur les moyens de promouvoir la croissance…ou de préparer un déclin.

Oui, le processus est complexe et c’est sans doute ce qui explique que, pendant des siècles, la croissance ait été extrêmement faible et qu’elle le soit encore dans de nombreux pays.

Comment a été obtenue la croissance occidentale ? André Siegfried l’expliquait à grands traits. Vers le XVIIe siècle, notamment avec Descartes, l’occident découvre une manière de raisonner plus efficace. Au XVIIIe, la science l’utilisa pour prendre forme. Au XIXe, elle conduisit à l’industrie, puis, au XXe, à l’explosion des progrès et innovations.

Ils ont permis toutes sortes de nouvelles productions, de nouveaux besoins et utilisations, de meilleures façons de faire concorder ce qui est produit et ce qui est utilisé, de nouveaux équilibres qui ont abouti à une authentique croissance, coupée, hélas, de crises dévastatrices.

La croissance suppose une adaptation à la fois de la production et de la consommation, donc de l’attitude des agents économiques.

Cette adaptation est en partie l’œuvre des commerciaux, mais ceux-ci pensent plus souvent en termes de concurrence que de croissance. Ils n’ont pas compétence pour chercher ce qui peut développer le pouvoir d’achat de leurs clients et moins encore celui des clients de leurs clients.

Ils savent obtenir des contrats d’échange, mais certains contrats qui favorisent le fonctionnement des circuits économiques ne font pas partie de leur champ d’action.

Pour arriver à des contrats qui permettent de vendre les produits qui n’ont pas tenté les premiers acheteurs soit par leur qualité, soit par leur prix, pour préparer des meilleurs contrats lors du marché suivant, il faudra, de part et d’autre, redisons-le, concéder, faire évoluer les exigences, modifier les productions, réorienter les activités.

Dialogue, négociations et aussi diplomatie, art de persuader sont alors nécessaires. Quand on n’y parvient pas d’emblée, le concours d’animateurs qui dépassent l’opposition des intérêts immédiats et sait mettre en valeur les convergences d’intérêts peut être utile.

Quand il y a des capacités de production inutilisées, du chômage, des stockages non désirés, il y a des possibilités d’action.

Croissances et déclins ne sont pas des ensembles indissociables. Ils se détaillent en circuits économiques simples ou complexes. C’est à ce niveau qu’il est le plus facile, et sans doute le plus efficace, d’agir pour développer tant l’emploi que le bien-être.

Il n’est jamais simple de tracer une limite, même quand les ensembles qu’on sépare sont franchement distincts, voire opposés. Entre les deux, il y a toujours des cas limites, des ambivalences. La frontière entre ce qui favorise et ce qui freine la croissance est imprécise.

Une difficulté peut paralyser, mais aussi stimuler. Certains contrats peuvent être positifs ou négatifs selon un contexte qui échappe à l’observateur. Pourtant, en admettant qu’il y a des exceptions, des nuances souhaitables, il est nécessaire de réfléchir à ce qui a le plus de chances de stimuler ou de freiner la croissance, même si d’autres motifs peuvent le justifier ou, au contraire, l’exclure.

Peuvent favoriser ou freiner la croissance de multiples facteurs. Quels sont les effets de la concurrence, de l’action monétaire, de l’épargne, des contrats, de la protection, de la mondialisation, du volontarisme et du dirigisme, de la planification, des essors et des crises ; sur ce qui peut dynamiser le marché du travail? Quels sont ceux sur lesquels nous pouvons agir ? Faciliter ou gêner l

 

Qu’est ce qui favorise la croissance ? Production ? Consommation ?

 

Ce qui favorise la production, c’est le travail : effectifs et temps de travail, équipement et outillage, formation, …

Ce qui gène la production ? Citons la mauvaise organisation du travail, la mésentente entre producteurs, la concurrence, les grèves, les incompétences, les réglementations trop strictes.

Ce qui favorise la commercialisation, ce sont notamment les lieux d’échanges bien organisés : les marchés, boutiques, foires, la formation des vendeurs, la liberté des échanges dont nous reparlerons, les transports faciles et peu coûteux, le pouvoir d‘achat des clients, la publicité, la connaissance des marchés possibles, la recherche de nouveaux types d’accords et de contrat, la sécurité juridique.

Ce qui la gène ? Ce peuvent être la protection douanière, les réglementations restrictives, la concurrence agressive, l’assèchement du pouvoir d’achat des clients, les impôts perçus au prorata des ventes, les règlements qui rendent difficiles ou coûteux les contrats ou qui les faussent.

Ce peuvent être les contrôles, interdictions et formalités destinées à empêcher certaines malversations. Leur but, le plus souvent c’est de protéger l’un des contractants. Le minimum vital ou la réglementation des loyers sont de ce type.

Ce peut être aussi la difficulté d’obtenir justice, coût et délais.

Ce peuvent être aussi les informations fausses ou insuffisantes qui conduisent à de mauvaises décisions, les subventions, le « pragmatisme » et la débrouillardise quand ils consistent à reporter sur d’autres la difficulté qu’on devrait résoudre soi-même. La complexité, perte de temps, source d’inquiétudes et d’hésitation, freine à l’initiative.

L’incapacité d’échanger dans des conditions acceptables ce qu’on pourrait produire est l’une des causes majeures du chômage.

La monnaie permet de fragmenter, de diversifier les échanges mais, pour en comprendre le mécanisme, il faut observer le troc, l’équilibre entre ce qui est donné et reçu de part et d’autre.

Celui qui ne vend qu’une part de ce qu’il produit et le chômeur ont le même problème : ils pourraient l’un et l’autre volontiers produire plus de biens utilisés s’ils trouvaient une contrepartie qui leur semble acceptable.

Ce qu’ils produisent ou pourraient produire est excédentaire. Pourquoi ?

Est-ce inacceptable faute d’utilité, ce qui conduirait à une reconversion ?

Est-ce acceptable mais ne se vend pas faute de pouvoir d’achat des éventuels clients ? Dans ce cas, peut-on chercher si d’autres consommateurs-producteurs peuvent être intéressés et peuvent, à leur tour, intéresser, en contrepartie, les premiers producteurs ? Cela pourrait permettre de rétablir la continuité du circuit. Le courant, non, le pouvoir d’achat, circulerait et la boucle se refermerait.

 

Qu'est-ce qui favorise production

et consommation.

Le pouvoir d’achat peut avoir deux sources : la production de biens utilisés ou la confiance qui anticipe, ce qui permet soit de produire ce qu’on espère vendre, soit de consommer ou d’investir à crédit.

Quelles sont les conditions et les limites de la confiance?

Distinguons la confiance justifiée de la confiance injustifiée, même si la limite entre les deux est fort mobile, surtout avant l’évènement.

La confiance justifiée est celle qui va tenir ses promesses, qui sont une sorte d’avance à l’allumage. Elle va se solder par des échanges équilibrés, vraiment consentis, des échanges où tout le monde gagne.

La confiance injustifiée, fruit des prestiges usurpés, des belles promesses, de la démagogie et des emballements, est celle dans laquelle le prêteur perdra tout ou une partie de sa mise. Peut-être pas lui personnellement, car il est assez fréquent qu’il profite de plus values pendant que l’espérance fallacieuse tient et s’amplifie et qu’il en profite pour se débarrasser des créances surfaites en les vendant à quelqu’un de moins informé qui subira la perte. La croissance authentique est celle qui porte sur les productions de biens utilisés. Elle peut être stimulée par la confiance justifiée mais…

De même que les sportifs qui veulent progresser regardent plus les films de leurs échecs que ceux de leurs succès, pour préparer une véritable politique de développement, il faut en analyser soigneusement les échecs.

Ceux qui découragent de produire ? Les stocks d’invendus ou qu’il faut liquider à perte. Comment l’éviter ? Meilleure commercialisation? Meilleures études de marché ? Formation ? Equipement ? Reconversion ?

Echecs de la confiance qui vont empêcher de trouver de l’argent pour investir : faillites, pertes en bourse, inflation. Tout cela va dissuader de produire pour prêter, de créer du pouvoir d’achat au-delà de ce dont on a soi-même besoin, immédiatement ou à terme relativement court.

Il faudrait mettre sur pied une politique efficace d’information des prêteurs. Il existe un bureau de vérification de la publicité qui freine les affirmations mensongères. Les organes de surveillance de la bourse agissent dans le même sens. Est-il impossible de leur donner le moyen de contrer les emballements excessifs, les espoirs démesurés ?

La confiance, qui permet le crédit, stimule évidemment la production, l’innovation. Elle permet d’emprunter, donc de financer rapidement les projets innovants. Ils auraient beaucoup moins de chances d’aboutir si leurs promoteurs devaient attendre, pour commencer, d’avoir eux-mêmes épargné les sommes nécessaires.

La confiance justifiée, celle qui procure au prêteur un remboursement avec intérêt, favorise beaucoup la croissance.

Qu’en est-il quand elle est abusive, quand les engagements ne sont pas tenus, quand les projets prometteurs se révèlent décevants ? Elle aboutit à des faillites, à des stocks inutilisables, à des licenciements, au chômage, à la réduction du pouvoir d’achat dans d’autres entreprises, dans le même secteur ou dans d’autres, aux réactions en chaîne qui conduisent à la crise.

A la bourse, les créances des épargnants, quand elles sont menacées, quand la confiance risque d’être déçue, perdent leur valeur. Ceux-ci se sentant appauvris, dépensent moins, mais surtout cessent de financer les initiatives.

La confiance justifiée facilite la croissance. Excessive, abusive, elle prépare les faillites, la crise, le chômage, la récession.

Si le progrès du niveau de vie mieux équilibré est l’objectif, nous allons rechercher d’abord comment mieux définir cet objectif, mieux cerner la notion de croissance. Nous chercherons ensuite dans quel cadre AGIR ? Qui peut agir et comment, enfin, comment traiter les questions les plus délicates : régressions et développement des régions attardées ou en déclin.

 

 

Qu'est-ce qui favorise production

et consommation.

C’est une idée reçue : la concurrence est un stimulant de la croissance, le meilleur. Elle abaisse les prix, donc permet d’acheter davantage. Elle réveille les énergies quand on veut ne pas se laisser dépasser.

Est-ce si simple ?

La concurrence est une discipline nécessaire quand elle apporte un vrai progrès, quand elle remplace les producteurs inefficaces ou qui imposent des prix déraisonnables. Elle a tout à fait sa place sur les marchés.

Cela dit, la concurrence ne crée pas. Elle remplace. Elle prive le vaincu de son gagne pain. S’il profite de sa disponibilité pour faire quelque chose de mieux, c’est bon. L’initiative paie.

Mais si, comme c’est trop souvent le cas, la concurrence débouche sur du chômage, même si certains prix ont baissé, faute de pouvoir d’achat, l’activité globale diminue, le marché se resserre. Et si le chômage est indemnisé, il pèsera d’une façon ou d’une autre sur les prix de revient, le gain et le pouvoir d’achat des vainqueurs.

 

Et la productivité ?

 

Ne faut-il pas distinguer la productivité de concurrence de celle de croissance ?

La première n’aboutit qu’à remplacer une production par une autre, tandis que la seconde apporte un surcroît de production. Si elle est appréciée, utilisée, elle contribue à accroître le niveau de vie. La productivité de concurrence, non.

De même l’usage des machines. Elles peuvent multiplier le pouvoir de produire et le revenu de ceux qui s’en servent bien, mais si elles mettent au chômage durable ceux qu’elles remplacent, le niveau de vie moyen en pâtit.

On dit qu’en Inde, une seule usine de chaussures a privé d’emploi des milliers de savetiers.

Il est vraisemblable que la productivité, les machines et les produits à bon marché des pays industriels, en soumettant les producteurs locaux à une concurrence intenable, aient été, dans les pays pauvres, causes de misère et qu’ils pèsent sur la possibilité de se sortir du sous-développement.

Certes, il ne s’agit pas de catégories nettement définies et distinctes, mais de pôles opposés. Entre eux se situe chaque situation complexe.

A quoi peut servir cette distinction entre productivité et équipements de concurrence ou de croissance, de complémentarité ?

A agir par contrainte ? Non. En revanche, quand on négocie, notamment sur les protections existantes ou envisagées, quand on anime, suggère, accueille, met en valeur des projets, il ne faut pas placer sur le même plan ce qui conduit à plus de concurrence et ce qui développe des activités complémentaires les unes des autres, celles qui développent l’activité et le pouvoir d’achat.

Dans les débats sur la libéralisation du commerce et la mondialisation, il ne faut pas seulement considérer les possibilités de développement des plus efficaces, mais aussi les incidences des mesures décidées sur les possibilités des moins forts de se développer sans devoir affronter des concurrences intenables.

Ne pas dénigrer la concurrence qui joue un rôle de sélection, d’émulation, mais il faut en connaître les limites et les inconvénients quand elle devient agressive et ne tient pas assez compte des problèmes d’emploi qu’elle peut poser.

 

 

Est-ce en manipulant la monnaie

qu’on obtient la croissance ?

 

On n’en parle guère mais les politiques qui visent à stimuler la croissance font appel à des financement qui, en fin de compte, débouchent sur des manipulations monétaires, sur ce que qui fut autrefois la planche à billets et à qui est aujourd’hui le développement du crédit sans production ni épargne correspondante.

C’est une sorte d’impôt indolore, de prélèvement discret sur tous les avoirs libellés en monnaie.

Ce n’est pas anodin. Il en résulte des hausses de prix, de l’inflation, des pertes de confiance, la dégradation du crédit. Il est admis que l’inflation doit être combattue, même si des hausses de prix de 1 à 2 % l’an sont souvent tolérées, si la baisse des prix est redoutée comme un signe et un facteur de récession.

Depuis Keynes et le Dr Schacht, beaucoup d’économistes et de gouvernants comptent sur une politique monétaire souple, finançant notamment le déficit budgétaire et de grands travaux, pour stimuler la croissance.

La monnaie « fiduciaire » est l’un des grands outils de la confiance. Quand on donne un bien ou du travail contre de l’argent, on fait confiance à du papier, comptant qu’il pourra, quand on le voudra, s’échanger contre des biens équivalents. Et c’est tellement commode, tellement indispensable, qu’on ne cherche pas trop à savoir si cette monnaie est digne de confiance.

Le remarquable essor des économies occidentales, gérées par des économistes et des politiques qui se sont souvent inspirés de Keynes, peut servir d’argument en faveur d’une certaine souplesse. La confiance a beaucoup mieux résisté que prévu, et qu’il n’eût été raisonnable, à des politiques laxistes.

L’inflation, sous toutes ses formes, n’en est pas moins un abus de confiance. Elle accumule les dettes qui ne seront jamais remboursées et érode les avoirs des détenteurs de monnaie.

Tant qu’elle ne prend pas des proportions inquiétantes, on la tolère et l’on ne s’interroge pas trop sur ses méfaits. Il n’est pas sûr qu’ils aient raison, ceux qui se réjouissent de voir les clients acheter plutôt que d’épargner. On croit sans doute trop facilement qu’un peu d’inflation stimule les affaires.

Quand elle inquiète les acheteurs, toute la vie économique est perturbée.

 

 

 

Est-ce en manipulant la monnaie

qu’on obtient la croissance ?

 

Une grande part des moyens usités de susciter la croissance est plus ou moins des abus de confiance. Ils débouchent tôt ou tard sur des crises, sur de grandes souffrances. L’économie purement libérale en a connu beaucoup. « Sur un point, je me suis gravement trompé, aimait à dire Jacques Rueff. J’ai sous-estimé l’aptitude des experts à retarder les échéances » Notre monde regorge de bombes à retardement.

Quel est le mécanisme authentique ?

Vaste question que nous rencontrerons longuement mais voici une approche.

Pour ne pas se perdre dans la complexité de nos économies, pour retrouver l’essentiel, il faut souvent revenir au mécanisme primitif d’un marché paysan.

Supposons qu’il soit équilibré, que tout ce qu’on y a apporté ait fait l’objet d’échanges intéressants ou acceptables. Que l’un des participants se mette à produire et à vouloir vendre davantage alors que les autres continuent au même niveau, que va-t-il se passer ? Ou bien il ne parviendra pas à vendre ce surcroît de production, ou bien il devra baisser ses prix de telle sorte que la valeur totale de sa marchandise restera la même, ou l’argent qu’il gagnera avec son surcroît de vente sera déduit de ce que gagneront les autres qui devront, soit baisser leurs prix, soit remporter leur marchandise. Il n’y aura pas eu de véritable croissance.

Celle-ci se produira quand d’autres producteurs, pour pouvoir acheter le surcroît apporté sur le marché, augmenteront eux-aussi leur production d’une façon acceptée en échange par les autres producteurs de surcroîts, directement ou à travers un ensemble d’échanges qui peuvent être complexes.

Si, au départ, le marché n’est pas équilibré, si le surcroît de production de l’un des vendeurs peut s’échanger, généralement après plusieurs échanges, contre les invendus précédents, il y aura croissance.

En revanche, si le surcroît de production ne trouve pas preneur ou ne le trouve qu’au détriment d’autres producteurs, il n’y aura pas croissance, mais aggravation du déséquilibre du marché. La véritable croissance vient de surcroîts de production utilisés grâce à des échanges.

Une sérieuse réflexion sur les moyens de susciter la croissance est nécessaire. Elle pourrait remettre en question beaucoup d’idées reçues.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre 3

 

DANS QUEL CADRE PEUT-ON EFFICACEMENT

 

CHERCHER LA CROISSANCE ?

 

Dans quelle mesure la croissance est-elle un problème macro-économique ?

Il est communément admis que le problème de gestion de l’économie est global et que c’est essentiellement au niveau des politiques qu’il faut le traiter.

On manipule la monnaie, le crédit, les budgets et leurs déficits, les protections douanières. On lance de grands travaux mal financés. On réglemente à tour de bras. On taxe, on subventionne, on redistribue, on exonère…et l’on attend que la bonne conjoncture internationale vienne enfin vous donner raison…

Ne faudrait-il pas approfondir l’étude des effets réels de ces méthodes ? Ne verrait-on pas que, le plus souvent, en fin de compte, on déplace l’emploi et la richesse sans en créer, et même en empêchant de bien travailler ceux qui en créent, au prix de dépenses administratives et paperassières considérables, car distinguer les ayants-droits et ceux qui doivent payer est toujours coûteux.

Qu’est-ce qui crée l’emploi, le bien-être, la croissance ? Ce sont des idées qui deviennent des projets, des surcroîts de production et d’échanges, des entreprises. Et tout cela ne naît pas dans de lointains bureaux au niveau des statistiques, mais sur le terrain, tout près des réalités.

 

Comment fonctionnent les circuits économiques ? Comment les observer, les créer ? Les développer ?

 

Nous rencontrons ici le problème du fonctionnement de circuits économiques. A-t-il été étudié d’assez près ? Je n’en suis pas sûr.

Dans un circuit à deux, pour qu’il y ait croissance il faut :

1° que l’un puisse produire davantage de biens qui intéressent l’autre

2° vice versa,

3° que ces surcroîts de production soient acceptés comme équivalents. Sinon, l’échange sera limité au niveau de l’offre la moins intéressante.

Pour retrouver le mécanisme de base, imaginez l’arrivée de naufragés sur une île déserte. Qu’est-ce qui va leur permettre de progresser, d’élaborer progressivement une vie économique ?

Au premier plan, il faudra citer la bonne entente qui permet de se répartir le travail et les biens obtenus. Les affrontements sont un frein à la production.

On peut citer en vrac le travail, la compétence technique et de gestion, l’esprit d’initiative.

Quand l’économie se diversifie, quand les échanges deviennent plus complexes, la confiance devient une des clés de la possibilité d’agir ensemble, de produire ce qu’on consomme et de consommer ce qu’on produit, en assurant à chacun un équivalent acceptable de ce qu’il apporte.

Les contrats, l’accueil des projets, l’épargne et le crédit qui permettent de les financer, d’acquérir des équipements grâce auxquels le travail deviendra plus efficace, tout cela exige une bonne dose de confiance que s’accordent entre eux les acteurs économiques.

Mais la confiance implique un saut dans l’inconnu. Elle est justifiée ou ne l’est pas et le dialogue entre confiance justifiée ou pas, entre confiance et défiance va expliquer une grande part des fluctuations, des essors et des crises économiques.

Une commercialisation efficace, les transports faciles qui élargissent le champ des échanges, le développement des marchés qui permettent la rencontre entre producteurs et consommateurs, l’étude des marchés qui contribue à adapter la production à la demande et la publicité qui rapproche l’acheteur du producteur, une orientation professionnelle et une politique de formation qui tiennent compte des débouchés vraisemblables, tout ce qui facilite la préparation, la conclusion, l’exécution de contrats équilibrés et la sécurité juridique des parties, un bon fonctionnement des services publics qui ne soit pas payé par des impôts trop élevés, une recherche qui prépare de bons projets : les facteurs de croissance sont multiples, mais on n’en parle pas souvent.

Les économistes insistent plutôt sur trois moteurs de la croissance : la consommation, l’investissement, l’exportation.

Les deux premiers ont une cause commune : la création de pouvoir d’achat qui se répartira en consommation et épargne. L’épargne finance soit de la consommation, soit de l’investissement. Si ce n’est pas pour dépenser les sommes empruntées, pourquoi l’emprunteur emprunterait-il et supporterait-il le coût des intérêts ou dividendes ?

L’idée de relancer la croissance en invitant les ménages à vider leur bas de laine pour consommer ne semble pas efficace, car l’épargne investie aboutit à des achats elle aussi. Investir moins pour consommer plus est rarement une bonne solution.

Une étude de la Banque Mondiale (Finances et développement, mars 2004) commentée par Jean-Pierre Robin dans Le Figaro du 3 juin, sur la malédiction de l’or noir, montre que les pays membres de l’O.P.E.P. ont perdu, depuis 1970, depuis la montée fantastique du prix du pétrole, 25% de leur pouvoir d’achat.

La clé de la croissance n’est donc pas l’exploitation de ressources naturelles. Quelle est-elle? Comment expliquer le changement de dimension dont nous avons bénéficié dans la seconde moitié du XXe siècle ?

On peut l’expliquer, ce me semble, par ces deux moteurs que sont la productivité et la confiance.

Productivité du travail grâce au progrès technique, aux machines de plus en plus efficaces, à l’énergie abondante, à l’informatique.

Les « missions de productivité » par lesquelles les généreux Etats-Unis, au temps du Plan Marshall, ont initié les Européens aux secrets d’économies plus efficaces, ont contribué à la développer et ont préparé l’essor des années soixante, les « golden sixties ».

Cette productivité a conduit d’abord, au temps béni des O.S. Les machines multipliaient l’efficacité d’ouvriers spécialisés rapidement formés, dont on avait besoin en grand nombre.

Oui, mais un temps est venu où cette productivité a eu de moins en moins besoin de ces ouvriers peu formés. Les machines automatiques les remplaçaient, alors que les lois sociales et le climat tendu par la lutte des classes augmentaient les coûts et préparaient le chômage.

Au-delà de certaines limites, la productivité conduit au chômage, à la production de biens qui ne se vendent pas, au stockage non désiré.

La confiance, redisons-le, est productive. Elle se traduit par la possibilité de prêts abondants à des conditions avantageuses.

Oui mais, il est possible, il est tentant d’abuser de la confiance, en particulier en offrant des crédits qui n’ont pour contrepartie aucune épargne. Les doctrines inspirées de Keynes sont largement basées, nous y reviendrons, sur l’abus de confiance généralisé. Et quand la confiance fait place à la défiance, les faillites se multiplient, les prêts se raréfient et deviennent plus chers. La récession et le chômage s’installent.

 

Que peut-on faire au niveau local ?

 

Les municipalités limitent souvent leurs activités en matière économique à la chasse aux subventions et aux implantations d’entreprises, ce qui déplace l’activité mais n’en crée pas.

Elles ont, c’est vrai, peu de compétences propres en la matière et ne pourraient pas faire face à des dépenses importantes en ces domaines.

On en est venu à considérer que le seul moyen d’agir est de dépenser beaucoup d’argent.

C’est faux.

Animer n’est pas coûteux et c’est très efficace.

Curieusement, c’est un roman de Balzac qui nous offre l’un des meilleurs modèles de ce que peut être une animation locale.

Dans Le médecin de campagne, le docteur Benassis explique comment il a transformé la vie d’un village des Alpes où l’état sanitaire était lamentable, où, après le service militaire, les gars ne revenaient plus, où, sur une terre de qualité et malgré un bon climat, l’on ne cultivait que des produits de faible valeur. Seul revenu : la vente, à Grenoble, de fromages qui exigeaient l’achat de claies.

Le docteur réussit à organiser sur place, la fabrication des claies, à entraîner les habitants à offrir leur travail, avec l’aide de fonds publics, pour créer une route vers la ville voisine, tandis que le marché local s’étoffait.

Le village se réveille. S’y installent un maréchal ferrant, un vétérinaire, puis un ensemble d’artisans du bâtiment. La culture du blé, facilitée par les engrais, l’irrigation qui permet de meilleurs pâturages, des jardins et des arbres fruitiers plus productifs arrondissent les revenus des paysans. Des prêts à taux modérés permettent de construire des logements. L’hygiène progresse. Tout le canton s’anime.

Divers commerçants, de petites industries s’établissent. Le désir de mieux vivre, de mieux éduquer les enfants apparaissent, occasion de créer de nouvelles activités.

Puis le développement des échanges avec l’extérieur, l’accueil de techniciens venus d’ailleurs, permettent de développer de nouvelles industries : tanneries, chapellerie, fabrique de chaussures et d’en écouler les produits dans les départements voisins. Trois foires par an préparent de bons contrats…

Le Dr Bénassis a-t-il existé ? Comment s’est documenté le romancier ? En tous cas, c’est un bel exemple.

Un bon moyen serait de lancer l’étude d’un plan local de développement de l’emploi et du bien-être.

Pour cela, réunir les personnalités capables de s’intéresser activement au progrès : employeurs, syndicalistes, commerçants car un commerce prospère quand ses clients gagnent bien leur vie, porteurs de projets, gens de finance, éducateurs, journalistes, compétences diverses.

Leur présenter un aperçu de la situation : chômage, jeunes à intégrer, activités insuffisantes…

Puis chercher avec eux quels sont les atouts locaux : personnalités dynamiques, compétences, savoir-faire, projets exprimés ou possibles à susciter, main d’œuvre disponible, équipements et locaux, possibilités de formation, relations commerciales, recherche, etc.

Puis former de petits groupes de travail pour approfondir la recherche, suivre les pistes prometteuses.

Etablir un document présentant les demandeurs d’emploi ou de meilleurs emplois, de façon à les mettre en valeur avec des arguments sérieux, vérifiés.

Organiser des équipes de recherche d’emploi, des rencontres où même si l’on ne trouve pas de solution immédiate, on peut échanger des adresses, des introductions, dresser un plan de recherche.

Les plans de développement seront aussi variés que les circonstances locales, que les personnalités qui s’y consacreront. Ils prolongeront le travail de ceux des groupes qui laisseront apparaître les meilleures possibilités.

Des thèmes communs me semblent devoir y trouver place : la recherche, l’accueil et le soutien de projets constructifs et une occasion annuelle de relance.

Donc, d’abord, rechercher des projets. C’est nécessaire pour tenter d’employer les chômeurs, pour accompagner sans dommage l’évolution des techniques. C’est essentiel quand une reconversion doit être préparée. Or les projets ont besoin de mûrir, de se germer, de mûrir à loisir, loin de la nervosité des urgences.

La réalisation d’un projet exige une dose de confiance qui se cultive lentement.

La préparation du plan local de développement de l’emploi et du bien-être pourrait commencer par une conférence ou une rencontre. Y parler des idées nouvelles, observées ailleurs et qui ont suscité des emplois ou de meilleurs revenus, de la méthode du brain storming qui accueille toutes les idées, bonnes ou mauvaises, car une mauvaise idée peut en susciter de meilleures. Après, on recherche celles qui méritent d’être suivies. Puis indiquer la marche à suivre pour proposer des idées.

Un groupe de travail serait créé, chargé d’accueillir les porteurs de projets, de les guider vers un approfondissement de l’idée, vers des contacts avec ceux qu’elle pourrait intéresser. Si elle semble irréalisable, la classer pour qu’elle puisse servir un jour.

Un concours annuel de projets serait un moyen de donner la parole à ceux qu’on n’interroge jamais. Les projets seraient jugés selon leur impact sur l’emploi, l’innovation, la fiabilité, notamment financière, sur la connaissance des marchés.

Susciter un club de porteurs de projets qui se soutiendront les uns les autres, se formeront ensemble. Ils s’efforceront d’échanger des idées, des méthodes, des complémentarités, avec d’autres clubs locaux de porteurs de projets. Ils se tiendront prêts à agir si l’occasion se présente et maintiendront dans la localité une atmosphère de recherche. Si des aides publiques sont nécessaires à cette action, elles seraient bien placées.

Les meilleurs projets pourraient déboucher sur la constitution de sociétés d’études, une formule bien connue du monde des affaires. Les intéressés financent l’étude et la préparation, moyennant des actions de la future société.

Second thème commun aux plans locaux : fixer une échéance annuelle, à la rentrée, pour une relance qui pourrait avantageusement prendre la forme d’une fête du progrès. Ce serait l’occasion de faire le point, groupe de travail par groupe de travail, de ce qui a été fait et de ce qui reste à faire.

Ce serait l’occasion de féliciter, de remercier, dans un texte qu’ils conserveront et qui pourra leur servir de référence, ceux qui, dans l’année, ont contribué au progrès de l’emploi ou du bien-être. C’est important de pouvoir conserver la preuve de l’efficacité de son action. C’est une forme de salaire qui ne coûte rien et qui vaut cher.

Il devrait être possible de se procurer et de faire connaître à l’occasion de cette fête, les chiffres qui permettent d’évaluer les progrès ou les reculs économiques locaux. Ce sont les bases sur lesquelles sont assis les prélèvements et impôts : la valeur ajoutée, les revenus déclarés, les salaires versés. Il y a des conséquences à en tirer. Occasion aussi, ce serait sain, de remercier ceux qui, par leurs impôts divers, contribuent aux efforts communs.

C’est l’ensemble de ces actions qui constituera le plan local de développement de l’emploi et du bien-être qu’il faudra adopter et réviser régulièrement.

Un exemple. La ville de New Delhi était en train de construire un métro qui va remédier à l’incroyable embarras de la circulation et permettra d’énormes progrès.

Oui, mais, que répondre à la foule des chauffeurs de taxi, des tireurs de pousse-pousse qui vont perdre leur emploi ? A terme, le métro a de fortes chances de créer plus d’emplois qu’il n’en supprime, mais en attendant ?

C’est sur place qu’il faut chercher des solutions, mais on peut indiquer quelques pistes.

Ceux qui devront se reconvertir auront sans doute besoin d’une formation et ils peuvent contribuer à l’observation, à la recherche des mouvements économiques qu’ils pourront utiliser.

On pourra les inciter à se grouper par équipes d’une quinzaine peut-être, parmi lesquels quelqu’un peut aider à préciser, à élargir les connaissances scolaires et l’usage des principaux outils, afin d’être plus prêts à saisir les occasions.

D’autre part, les membres mettraient en commun leurs informations sur ce qui bouge et se prépare. Le commerce va certainement se développer aux environs des bouches de métro et de nouvelles activités naîtront. Si l’on pouvait avoir des informations sur la manière dont d’autres métros ont ouvert de nouvelles possibilités, ce serait précieux, mais…

Un quart des membres du groupe pourrait changer de groupe chaque mois, par exemple, pour apporter un sang nouveau. Chaque membre pourrait démarcher les éventuels employeurs non seulement pour lui-même mais pour tous les membres du groupe dont les aptitudes peuvent être différentes.

A un niveau général, une recherche des opportunités nouvelles d’emploi devrait être menée activement en réunissant, en interrogeant les personnes susceptibles d’être intéressées, en suscitant des initiatives.

Des slogans pourraient y contribuer du genre : « Le métro va vous simplifier la vie. Pouvez-vous aider ceux qui perdent leur emploi? » ou : « Le métro vous ouvre de possibilités nouvelles. Pouvez-vous offrir un gagne-pain à ceux qui doivent changer de métier ? »

Comment présenter l’idée d’un plan local de développement de l’emploi et du bien-être à ceux qui peuvent agir ?

Voici quelques thèmes qui peuvent être utilisés. Ils nous donneront l’occasion de reprendre sous une forme plus ou moins différente des thèmes déjà évoqués mais essentiels pour notre propos.

Ce qui nous préoccupe, c’est la persistance d’un chômage qui saccage des vies, inquiète, rend trop difficile l’insertion de nos jeunes.

C’est notre désir à tous de progresser.

Si nous attendons une croissance venue d’on ne sait où, au gré des caprices de la conjoncture internationale, nous pourrons attendre longtemps. C’est à nous de bâtir notre avenir, de montrer ce dont nous sommes capables.

Nous n’allons pas vous demander votre argent mais vos idées, vos initiatives. Nous vous demanderons de participer activement à l’élaboration d’un plan de développement qui nous concerne.

Nous vous offrirons la possibilité de prendre part efficacement à l’effort pour que tous puissent mieux vivre. Pour cela…

1° Nous mettrons à l’étude un plan de développement de l’emploi et du bien-être adapté aux particularités, aux problèmes, aux aptitudes locales. Ce cadre servira à faire travailler ensemble tous ceux qui chercheront à agir dans ce sens, à mettre en valeur les atouts locaux : compétences et main d’œuvre disponibles, équipements, locaux, possibilités de formation et d’information, recherches, relations, épargnes, projets en attente ou à susciter, etc.

2° Nous proposerons à ceux qui s’y intéresseront, aux fonctionnaires, aux élus et à leurs collaborateurs, à tous les volontaires un complément d’informations pour qu’ils puissent plus efficacement tirer parti de ces atouts et dialoguer utilement avec vous.

3° Une politique active d’information sera poursuivie avec les médias pour que vous soyez clairement informés, à temps pour pouvoir réagir ou faire connaître votre point de vue à vos élus, sur les questions principales qui seront discutées au Conseil et sur l’évolution des projets en cours d’exécution.

4° Des contacts plus étroits entre chefs d’entreprise et enseignants des écoles et des stages aideront à mieux préparer les embauches.

5° Une politique de jumelages avec d’autres régions de l’Europe ou du Tiers-monde développera des échanges culturels, touristiques et commerciaux mutuellement avantageux.

Partout, pour amorcer la recherche, on peut chercher les moyens de mieux cultiver les jardins, de mieux entretenir et équiper les maisons, de mieux utiliser les locaux disponibles, se rendre compte qu’il existe des possibilités.

A tous les niveaux où l’on pourra éveiller un désir d’agir : villes, cantons, bassins d’emploi, départements, régions, nations et groupes de nations, on peut susciter ce genre d’initiatives, informer, former les élus et leurs collaborateurs et toutes sortes de forces vives.

Mobiliser pour le progrès tous ceux qui sont capables et désireux d’agir, ceux à qui, généralement, on ne demande que de payer l’impôt de voter, d’obéir, d’applaudir et de se taire, leur offrir un cadre, une méthode d’action, ce peut être très efficace.

 

Encore faut-il savoir les entraîner. C’est l’art et le problème des animateurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chapitre V

 

 

COMMENT ANIMER LA VIE ECONOMIQUE ?

 

 

Que peut apporter une politique d’animation ? Quel est le rôle de l’animateur ?

Imaginez une fois de plus, la fin d’un marché. Si spontanément vendeurs et acheteurs s’

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